Untitledness,

Installations,

Il m’avait invité à venir un soir et m’avait remis les clés. J’arrivai vers dix-neuf heures. La maison était en retrait, au bout d’un chemin prenant sur une allée en cul de sac, totalement invisible de loin. Au milieu d’une végétation rectiligne, elle surgissait comme une boite blanche. De son centre émergeait un toit à quatre pentes. Deux cheminées inoxydables brillaient dans le ciel. De l’entrée du jardin, un mur vert arrêtait le regard à un mètre du sol et obligeait à s’engager le long de la maison. De l’allée de gravillons gris montait une mince palissade de lierre. Du sol partaient à angle droit des baies vitrées ouvertes sur l’intérieur. L’entrée, au sol peint en gris et aux murs hauts, offrait au regard de traverser la maison. Survolant un champ, il s’arrêtait dans des bosquets à une centaine de mètres. Des vaches paissaient tranquillement dans le pré alentour. En m’avançant dans le séjour, je découvris de droite à gauche, la maison dans toute sa longueur. Une alternance de pleins et de vitres se succédaient, formant des parois lisses, ouvertes par endroits du sol au plafond. D’un côté, le regard s’arrêtait sur un mur végétal. De l’autre, il courait à travers champs. Un manteau de cheminée dominait la pièce, comme suspendu au plafond. Derrière se cachaient dans des encoignures quelques livres et des dizaines de disques de musique classique. Devant, un mobilier hétéroclite s’était trompé d’endroit. Dans l’angle, un mur brun sombre semblait vouloir effacer quelque chose. Dans sa partie supérieure, une mince fissure courait et lui donnait vie. Devant lui se tenait un piano de concert. Je me dirigeai sur ma droite, le long du mur, me rapprochant de l’extrémité de la maison fermée par la verdure. J’arrivai dans un espace ouvert et étroit où une cuisine professionnelle faisait face à un plan de travail haut, au milieu de la pièce. Le plan-table était flanqué de deux tabourets. J’ouvris le frigo. Un pack de Duvel entamé, deux pommes sans âge et un pot de raifort se trouvaient là. Dans le placard, je trouvai des paquets de pâtes et des boites de haricots. Le congélateur était totalement vide. Je mangeai succinctement. Je traversai de nouveau une pièce sans porte. Un mur brun-rougeâtre surplombait une immense table ancienne de style anglais. Elle paraissait ne plus rien attendre d’autre que le regard d’un jeune Lord qui la surveillait depuis son portrait au mur. Je retournai au salon. De cet espace immense se dégageait un calme figé. Les stores ne parvenaient pas à emprisonner l’espace et offraient la chaleur de la nature. Je m’assis longtemps à la regarder dans le silence. Quand il fit totalement nuit, je décidai d’aller me coucher. Je traversai la salle de bain. Comme dans toutes les pièces, les plans et volumes allaient du sol au plafond. La douche se tenait entre deux parois. Dans la chambre, je tirai le panneau coulissant devant le panneau vitré. Je me déshabillai et me mis au lit sous une couette légère. Le lendemain, lorsque je me levai, le soleil inondait la maison. Je m’attardai dans l’espace bureau que j’avais entrevu la veille. Mon regard flâna sur les étagères pleines de livres et de documents plus ou moins ordonnés. Des livres en anglais côtoyaient quelques livres en flamand, romans, livres de jardins et manuels divers. Quelques piles de documents dépassaient des étagères. Sur l’une d’elles reposait un petit carnet en carton de photos d’identités. Le rabat délimitait trois photos identiques et un cadre vide : une photo avait dû être utilisée. Les autres montraient un homme au visage triste. Je pris un stylo et inscrivis dans le cadre blanc : “Aujourd’hui, j’ai mangé des haricots”. Je m’habillai rapidement et partis.



30-08-2004